Les analystes aiment catégoriser les consommateurs, comme s’il suffisait de plusieurs paniers pour un classement à la fourche.
Certes : les modes se suivent et … se ressemblent ?
Je vois certains plus anciens que moi ne pouvant envisager la vie sans un four digne de ce nom, alors que des plus jeunes se contentent d’un seul instrument culinaire : le microondes. Pas besoin d’évier ni de feu ni de poêle. Ils font suite aux enfants du congel, qui ont du « frais » le seul superlatif possible : surgelés chez Picard et le congélateur. L’ère du logement sans cuisine est déjà là : ouvrez les yeux. Au vu des coûts de location en ville, on a vraiment meilleur compte à déléguer tous les repas aux professionnels qui se font un plaisir de vous livrer. Plus qu’à microonder. Pas de vaisselle.
Mais les enfants de la poêle sont aussi de ce monde. Ils aiment le wok, le toasté, le poêlé, le snacké comme on dit dans les vraies cuisines. Ils sont nés d’un croisement « barbecue » et « cocotte pression ». Ça donne ça !
Les plus vieux jeux sont passionnés de terroir, de tradition, de gastronomie, même complexe et lourde comme la sauce Grand Veneur, le foie gras truffé et le vol au vent. Ce sont les Michelineurs, coureurs de MOF et de Maître cuisiniers de France. Ça se raréfie : ils tombent malades, à force. A leur côté, les « néo-purs » veulent la seule et unique recette puriste : le foie gras est en bloc mi-cuit, les poireaux al dente et le poulet chapon rôti au foin.
En ville, on voit traîner les futuristes, qui adorent le fooding (les fou-dingues), les cuisiniers moléculaires, les alginateurs et les bobofooders. Ils vont parfois chez Ducasse ou au Jules Verne, mais le plus souvent dans des enseignes japonisantes ou coréennes. Touchés par le jeunisme, ils tentent de rester dans le monde inoffensif du pré-adulte assumé… et c’est navrant.
Et puis il y a les exotico-végétalistes qui adorent les noms pas d’ici : poké bowl, japchaé, smoothie bowl, soba, les tare, sake, mandu, sashimi, guioza, maca et maté… Curieux cette génération qui condamne les propriétaires de 4×4 urbains et qui ne mangent pas de patates locales mais plutôt du riz, du thé, de l’avocat et autres productions outre Europe.
Les femmes et les hommes actifs – ils sont nombreux, vont préférer le « délicieusement moins » car leur ligne et tonus imposent ça. Et puis avoir faim, c’est d’un grand chic ! Ce n’est pas comme les « holy fats » qui sont en quête du Saint Gras ! En surcharge cognitive, ils ont le syndrome du poisson rouge : plus le bocal est vaste, plus ils grossissent.
Pourvu que ça dure !