Dans 25 à 30 % des cas, ce sont les garçons qui sont concernés par l’anorexie et la boulimie. Souvent associé à une suractivité sportive pouvant conduire à la non-reconnaissance des symptômes, le diagnostic chez les hommes est encore plus difficile… d’autant plus qu’ils recherchent encore plus rarement de l’aide que les femmes.
Bien que décrites depuis le XVIIe siècle, l’anorexie mentale ou la boulimie nerveuse sont toujours considérées comme des maladies typiquement féminines. Malgré 300 ans d’histoire de la médecine et de la psychiatrie, les hommes concernés sont toujours considérés avec étonnement.
Cependant, depuis les années 80, les études ont montré que si les symptômes d’un trouble alimentaire sont pour l’essentiel identiques, en revanche, il existe bien une spécificité masculine : les hommes anorexiques ont souvent des antécédents de surpoids.
Dans ce contexte, on accorde trop peu d’importance à la suractivité sportive, qui peut être extrêmement prononcée. Le sport étant toujours considéré comme synonyme de santé, il peut souvent conduire à la non-reconnaissance des symptômes. Les résultats scientifiques montrent pourtant que les hommes utilisent souvent le sport extrême comme méthode de compensation boulimique, et non les vomissements provoqués, très typiques chez les femmes.
Les hommes sont souvent très orientés vers la masse musculaire, aspirant à un corps excessivement musclé, avec une proportion de graisse la plus faible possible et n’ont jamais l’impression que leur musculature est à la hauteur de ce qu’ils considèrent comme un idéal physique. Et internet amplifie ce phénomène, car la surabondance de photos de ventres en tablette de chocolat et de visages de boys band, leur donnent le sentiment de ne pas être à la hauteur. La quête de pectoraux parfaits serait ainsi tellement prononcée que des psychiatres parlent parfois de « bigorexie », une forme de dysmorphie musculaire qui touche surtout les hommes et qui se caractérise notamment par une prise de poids excessive ainsi qu’un régime alimentaire qui fait perdre de la graisse et gagner du muscle. Cette maladie peut conduire les jeunes hommes à être obsédés par leur apparence et à se regarder constamment (ou au contraire, pas du tout) dans le miroir.
Les hommes homosexuels sont nettement plus touchés (2 à 8 %) que les hétérosexuels (0,3 à 2 %). L’hypothèse avancée par les chercheurs met en avant que les non-hétérosexuels vivent souvent leur corps comme un objet soumis à un idéal de beauté mince et musclé. Ils souffrent souvent d’insatisfaction face à leur image corporelle. De plus, des troubles alimentaires peuvent survenir à la suite du stress auquel ils sont exposés en tant que membres d’une minorité sociale. Dans les deux sexes, les personnes concernées ressentent souvent de la honte, nient la maladie et s’isolent. Chez les hommes, s’y ajoute le fait qu’ils souffrent d’une maladie qui serait, selon la perception publique, typiquement féminine.
Même si les personnes souffrant de troubles alimentaires consultent rarement ou attendent des années avant de demander de l’aide, des traitements existent et reposent sur le même principe pour les deux sexes : restructurer le comportement alimentaire, identifier les peurs et les croyances, reprendre confiance en soi, dans son corps et dans le tissu social.
L’objectif essentiel semble être le développement d’une relation d’attention à soi-même qui n’existe souvent plus ou est fortement perturbée chez ces patients.
Troubles de l’alimentation chez les hommes : le rêve risqué des abdominaux en planche à laver – Dr Thomas Kron – Univadis – Mars 2022