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Peut-on se passer des engrais azotés de synthèse ?

De nombreux travaux récents montrent que, à surface agricole constante, il est possible d’assurer l’approvisionnement alimentaire de la France, de l’Europe et du monde sans engrais industriels azotés, au prix cependant de profonds changements structurels, dont l’actualité en Ukraine vient souligner la pertinence.

L’histoire de l’agriculture se résume à la quête de moyens pour assurer la fertilité des sols, et l’azote apparaît comme l’éléments essentiels à restituer aux sols. La découverte du nitrate au XXe siècle a permis de développer l’agriculture intensive, totalement dépendante des intrants (engrais, fertilisants, graines), au détriment de la biodiversité et en rupture totale avec la complémentarité séculaire entre agriculture et élevage. Ainsi est apparue une spécialisation extrême de l’agriculture avec des régions de grandes cultures céréalières dépourvues de bétail et des régions d’élevage Intensif hors sol, tributaire d’importation pour nourrir le bétail. Ainsi, la moitié de l’humanité dépend des approvisionnements en engrais synthétiques.

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Alors comment s’en passer, sachant qu’en 2050 la France comptera 75 millions d’habitants, l’Europe 540 millions et le Monde 11 milliards ?

  • En réinventant la rotation des cultures dont les performances et la teneur en azote des sols ont été évaluées et jugées en adéquation avec l’objectif (Billen et al., 2021).
  • En rétablissant une complémentarité entre culture et élevage. En effet, si les légumineuses fourragères apportent l’essentiel de l’azote aux sols, leur valorisation ne peut se faire que pour l’alimentation locale du bétail. Cette complémentarité concerne aussi la production agricole et la consommation alimentaire, même si on ne peut exclure le transport interrégional de denrées notamment vers des zones urbaines qui ne peuvent se suffire à elles-mêmes.
  • En valorisant des excreta humains comme fertilisants agricoles, notamment grâce à la séparation à la source de l’urine, valorisant ainsi 70 % de l’azote des rejets urbains.
  • En aménageant le régime alimentaire humain et notamment la place occupée par les produits animaux. Pour des raisons de santé et d’impact environnemental, les experts recommandent de ramener à 25-35 % la part des protéines animales dans la ration protéique totale, ce qui revient à diminuer de moitié notre consommation de produits animaux.

La méthode de comptabilité biogéochimique GRAFS (« Generalized Representation of Agro- Food Systems », Le Noë et al., 2017) a permis de montrer quantitativement que l’action combinée des trois leviers peut aboutir à des scénarios agroécologiques permettant d’approvisionner la France et l’Europe sans aucun recours aux engrais azotés de synthèse. Le principale obstacle à ce scénario est politique qui persiste dans sa vision de ce que peut être l’agriculture pour nourrir le plus grand nombre : IN-TEN-Si-VE !

La biogéochimie montre qu’il est possible de « nourrir le monde » tout en sauvegardant la qualité de l’environnement et sa biodiversité sans recours à l’azote de synthèse. Laflambée actuelle du prix des engrais de synthèse, indexé sur celui du gaz, et le bouleversement de l’approvisionnement en céréales lié à la guerre en Ukraine, rendent plus pertinente encore cette orientation stratégique de long terme.

https://revue-sesame-inrae.fr/peut-on-se-passer-des-engrais-azotes-de-synthese/

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