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La suie associée à un risque accru de cancer

La pollution de l’air est responsable de milliers de décès chaque année en France. Des scientifiques* se sont intéressés à un constituant des particules fines issu de combustions incomplètes notamment liées au trafic automobile, le carbone suie. Alors que ce composé a déjà été lié à de nombreux problèmes de santé, leurs travaux suggèrent pour la première fois qu’une exposition à long terme au carbone suie est aussi associée à un risque accru de cancer, notamment du poumon. Les résultats sont publiés dans la revue EHP le 24 mars 2021.

La pollution de l’air par les particules fines est un enjeu majeur de santé publique. Depuis plusieurs années, la littérature scientifique a mis à jour un lien entre cette pollution et le risque de cancer. En 2013, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a d’ailleurs classé l’ensemble des particules fines comme des cancérigènes certains pour l’Homme.

Le terme de particules fines constitue une « boîte noire » : tous les composés de ces particules n’ont probablement pas le même impact sur le risque de cancer. Plusieurs candidats sont à l’étude pour expliquer leurs effets néfastes sur la santé. C’est le cas notamment du carbonesuie (ou « black carbon » en anglais), un constituant des particules fines issu de combustions incomplètes (produisant de la suie ; ce composé est également appelé noir de carbone de par sa composition et sa couleur). Ce dernier avait déjà étépointé du doigt par l’OMS  comme ayant un impact général délétère sur la santé.

Les chercheuses Inserm Emeline Lequy et Bénédicte Jacquemin ont évalué spécifiquement l’association entre exposition au carbone suie à long terme et cancer du poumon, pour mieux comprendre le rôle de ce composé dans les effets sanitaires délétères de la pollution de l’air. Elles  sont appuyées sur les données de santé des participants de la cohorte Gazel mise en place par l’Inserm au sein de l’UMS 11 en 1989, qui regroupe environ 20 000 participants suivis tous les ans, avec une donnée essentielle : l’historique du lieu de résidence sur les trente dernières années, donc possibilité d’avoir des estimations très précises des niveaux de pollution, issues du projet européen ELAPSE, au niveau de chacun des domiciles de chacun des participants sur cette longue période.

Cheval – Armée de terre cuite enterrée à Xian – Chine

Elles ont pu montrer spécifiquement l’association entre carbone suie et risque de cancer.

Leur étude suggère ainsi que plus les niveaux d’exposition au carbone suie au domicile des participants étaient élevés, plus le risque de cancer du poumon était accru. Les personnes les plus exposées au carbone suie depuis 1989 présentaient ainsi un sur-risque de cancer en général d’environ 20% par rapport aux personnes les moins exposées. Ce sur-risque était de 30 % en ce qui concerne le cancer du poumon. Ce composé pourrait donc en partie expliquer les effets carcinogènes de la pollution de l’air.

« Au niveau individuel, il est difficile de recommander des mesures pour limiter l’exposition au carbone suie, mais il est possible d’ajuster les politiques publiques contre le carbone suie qui vient principalement du trafic automobile », souligne Bénédicte Jacquemin, auteure.

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*Emeline Lequy, Jack Siemiatycki, Kees de Hoogh, Danielle Vienneau, Jean-François Dupuy, Valérie Garès, Ole Hertel, Jesper Heile Christensen, Sergey Zhivin, Marcel Goldberg, Marie Zins, Bénédicte Jacquemin

Inserm, Université de Rennes 1, École des hautes études en santé publique (EHESP) Irset et université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ), UMS 11

[2] La cohorte Gazel a été mise en place en 1989 par l’Inserm, en coopération avec plusieurs services d’EDF-GDF. Depuis 2018, la collecte d’information auprès des volontaires de Gazel a été harmonisée avec celle de la cohorte Constances. https://www.gazel.inserm.fr/

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