L’usage des produits phyto-pharmaceutiques dans le but de protéger la production agricole et d’entretenir les espaces verts et les infrastructures peut impacter des organismes vivants non ciblés, et par là-même les écosystèmes et les services qu’ils rendent à nos sociétés. Depuis les deux précédentes expertises scientifiques collectives de 2005 et 2008, les connaissances et les outils de diagnostic ont évolué de même que le type de molécules autorisées et leurs usages. C’est pourquoi les ministères en charge de la transition écologique, de l’agriculture et de la recherche ont commandité à INRAE et à l’Ifremer une nouvelle expertise portant sur les impacts des produits phyto-pharmaceutiques sur la biodiversité continentale (terrestre et aquatique) et marine, ainsi que sur les services écosystémiques qu’elle rend. Les 46 experts affiliés à 19 organismes différents ont constaté que les écosystèmes sont contaminés par des produits phytopharmaceutiques, avec un pic de contamination dans les espaces agricoles – dans les sols, les petits cours d’eau et l’air – là où ils sont majoritairement appliqués.
Tom Dicks
Cette contamination touche aussi les zones situées à distance des parcelles cultivées comme les milieux aquatiques et les sédiments, ceci jusqu’à des milieux reculés comme les zones proches des pôles et les grands fonds marins. Parmi les substances retrouvées à des centaines ou des milliers de kilomètres de leur zone d’application, on retrouve notamment celles interdites depuis plusieurs années, voire plusieurs décennies, dont la concentration tend toutefois à diminuer. L’exposition aux produits phytopharmaceutiques est avérée pour un large panel d’organismes et montre que la contamination se propage aussi parfois le long des réseaux trophiques.
Dans les espaces agricoles de la métropole, ces produits sont impliqués dans le déclin des populations d’invertébrés terrestres (comme les insectes pollinisateurs et les coléoptères prédateurs de certains ravageurs des cultures), d’invertébrés aquatiques et d’oiseaux communs. De nombreux travaux ont permis d’identifier des effets directs aigus, allant parfois jusqu’à la mort d’individus, ou les effets d’une exposition chronique, dont certains peuvent se transmettre entre les générations. Des effets indirects ont également été constatés. Ils sont essentiellement associés à la réduction des ressources alimentaires (insectes et végétaux éliminés par les produits phytopharmaceutiques) ou à l’altération voire la suppression d’habitats.
Ces produits agissent ici comme un facteur aggravant de l’état de santé des écosystèmes, classé au 4è rang des facteurs directs pesant sur la nature à l’échelle mondiale, parmi les autres types de pollution, et devant les espèces exotiques envahissantes. La modification de l’utilisation des terres et des mers, l’exploitation directe des organismes, et les changements climatiques sont les trois premiers facteurs aux plus lourdes incidences sur la nature.
Le biocontrôle, pour l’avenir ?
Insectes, acariens, bactéries, virus, phéromones et autres substances naturelles sont de plus en plus mis en avant pour protéger les cultures. Ils constituent des alternatives prometteuses à l’utilisation de produits chimiques de synthèse, en régulant la pression des ravageurs sans nécessairement les éliminer. Cependant, les travaux scientifiques ont jusqu’à alors été axés essentiellement sur l’évaluation de l’efficacité des produits de biocontrôle, mais ils restent très lacunaires sur leurs impacts sur la biodiversité. Des recherches supplémentaires permettraient de préciser cet impact.
Impacts des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les services écosystémiques : résultats de l’expertise scientifique collective INRAE-Ifremer – Communiqué de presse INRAE – Mai 2022