Une voie de détection post-ingestive du sucre, mettant en jeu l’axe intestin-cerveau, serait essentielle au développement de l’attirance pour le sucre. Non activée par les édulcorants, elle expliquerait que ces derniers trompent le goût mais pas l’envie.
Même dépourvus de récepteurs du goût sucré, les animaux sont attirés par le sucre, ce qui suggère un mécanisme indépendant du goût que des chercheurs américains de l’Université de Columbia ont exploré.
Le rôle du tronc cérébral et des neurones vagaux
Puisqu’un animal développe une attirance pour le sucre – et non pour un édulcorant – , c’est qu’il distingue les deux stimuli et possède donc une population de neurones répondant de manière sélective au sucre. Une première série d’expériences sur des souris a ainsi montré qu’une aire cérébrale (le noyau caudal du tractus solitaire) était activée après ingestion ou administration intestinale de sucre, alors que l’édulcorant restait sans effet. L’équipe a ensuite progressivement remonté les étapes de cette communication entre l’intestin et le cerveau, via le nerf vague (sa section supprimant l’attirance pour le sucré) : le transporteur SGLT1 détecte le glucose intestinal, déclenche un signal nerveux qui stimule certains neurones du ganglion noueux (contenant les terminaisons vagales) et ces derniers activent les neurones du tronc cérébral des rongeurs.
Modifier les préférences
Par ailleurs, l’équipe a montré que l’activation artificielle de ce circuit d’attirance pour le sucre est suffisante pour stimuler le développement d’une nouvelle attirance pour un stimulus initialement moins apprécié par la souris (un jus moins sucré).
Enfin, les chercheurs s’interrogent sur l’intérêt évolutif de cet axe intestin-cerveau, en sus du circuit du goût. Selon eux, l’association entre l’activation de ce système de détection post-ingestive et la reconnaissance du sucre par le système gustatif conférerait aux animaux la capacité fondamentale d’identifier, de développer et de renforcer une attirance forte et durable pour les sources alimentaires riches en sucre. Sans être trompés par les édulcorants.
Source : Tan, H., Sisti, A.C., Jin, H. et al. The gut–brain axis mediates sugar preference. Nature 580, 511–516 (2020).