La température est associée à la mortalité toutes causes confondues, à la fois pour les températures chaudes et pour les températures froides : cette relation est dite en U.
Les chercheurs de l’Inserm ont eu accès à des données récoltées entre 1968 et 2016, en France (Registre des causes médicales de décès de l’Inserm (CépiDc)), soit 24,4 millions de décès en près de 50 ans. Ils ont pu croiser le nombre de décès survenant chaque jour dans chaque région avec les températures quotidiennes tout au long de la période d’observation.
Le taux de mortalité est minimal à 20 °C, et croît à la fois quand la température monte au-delà de 20 °C, ou baisse en dessous de 20 °C. Parmi les 10 causes de décès les plus fortement liées à la chaleur, quatre impliquaient le système nerveux (troubles mentaux et comportementaux, maladies du système nerveux, maladies cérébro-vasculaires et suicide). Sur les 22 causes de décès considérées, toutes suivaient cette relation en U, sauf celle par suicide, une exception notable, qui a une croissance linéaire : le nombre de suicides augmente avec la courbe des températures.
Deux pistes non exclusives pour expliquer ce phénomène : d’une part une modification des relations sociales quand les températures sont très élevées, qui pourrait influencer un passage à un acte suicidaire ; d’autre part, sur le plan biologique, une altération du fonctionnement des systèmes endocriniens et nerveux en cas de grande chaleur, qui pourrait augmenter le risque de suicide. Des travaux indiquent notamment une tendance à la baisse des niveaux de l’hormone sérotonine quand la température est élevée. Or un niveau abaissé de sérotonine, neuromédiateur impliqué dans la régulation de l’humeur et de l’anxiété, pourrait être impliqué dans le passage à l’acte suicidaire.
De plus, les chercheurs ont scindé la période considérée en 3 : 1968-1984, 1985-2000 et 2001-2016.
Ils ont constaté que pour une même température, le risque de décès était moins élevé durant la période 1985-2000 que durant la période 1968-1984, tant pour les températures froides que chaudes. En revanche, aucune nouvelle atténuation n’a été constatée au cours de la période de 2001-2016, par rapport à la précédente.
Ces résultats montrent une adaptation de la société française aux températures extrêmes à la fin du XXe siècle, qu’il faut attribuer sans doute plus à une amélioration de l’habitat ou du système de santé, plus que par une évolution biologique à priori très lente.
Association of Daily Temperature With Suicide Mortality: A Comparison With Other Causes of Death and Characterization of Possible Attenuation Across 5 Decades
Fanny Lehmann, Pierre-Etienne Alary, Grégoire Rey, Rémy Slama
American Journal of Epidemiology, kwac150, https://doi.org/10.1093/aje/kwac150
Alix de Reynal