L’un des sujets du moment est bien sûr l’inflation. Qui n’a pas vu le prix de son caddie augmenter, pourtant en achetant les mêmes produits que d’habitude ?
Mais ce prix est-il réellement significatif de ce que coûte réellement le produit ? Pas vraiment… C’est ce que souligne un article de Jean-Louis Rastoin de l’Institut Agro Montpellier sur le sujet. Si on prend en compte les impacts de ce produit à tous les niveaux, le coût payé ne correspondrait qu’à 1/3 à la moitié du coût réel.
En effet, il faudrait que ce coût soit proportionnel à l’impact négatif potentiel du produit (impact qui regroupe ce que l’on appelle les externalités négatives), que ce soit sur la santé humaine (50 % des coûts cachés), l’environnement (30 %) ou l’économie (20 %).
Plusieurs études ont été réalisées pour illustrer ce propos. Par exemple, en Suisse, pour 1 franc suisse payé, il faut ajouter 0,87 franc de coûts cachés, qui concernent les impacts sur la santé humaine, l’environnement (dont la perte de biodiversité), l’économie (dont les importations). Si on étend à l’ensemble de la dépense alimentaire, le coût à rattraper est énorme. Dans cette étude, il est intéressant de noter que les coûts externes les plus élevés sauf ceux relatifs aux produits animaux (sauf le lait) et les externalités positives sont plutôt liées aux fruits et légumes (carotte, pomme).
La question se pose alors de comment diminuer ces coûts cachés. Côté santé, la prévention est le facteur clé pour entraîner des modifications d’habitudes alimentaires. Côté environnement, il est nécessaire de changer de modèle de production. En parallèle, des mesures économiques doivent encadrer ces changements et le droit de l’alimentation et à l’alimentation doivent accompagner ces démarches.
Nous sommes aujourd’hui conscients des marges réalisées sur la majorité des produits (bien sûr tout dépend, entre autres, du lieu d’achat et du nombre d’intermédiaires), cependant cette question de coût réel, qui paraît pourtant logique quand on en parle, n’est pas vraiment abordée. L’intégrer dans les nouvelles politiques alimentaires (ayant une obligation d’être en phase avec la transition socio-écologique), au moins en partie, permettrait à chacun de mieux comprendre la vraie valeur de la nourriture (ce qui pourrait diminuer le gaspillage alimentaire) et d’agir de manière plus responsable.
Enfin, on pourrait à première vue se dire que l’accès à l’alimentation ne serait encore que plus inégal. L’idée n’est bien sûr pas la suivante mais au contraire d’adapter les politiques alimentaires afin que tout le monde puisse avoir accès à une alimentation saine.
Source : Jean-Louis Rastoin, mai 2022, Coûts cachés et juste prix de notre alimentation : entre marché, Etat et communs, Chaire Unesco – Alimentations du monde.