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Devenez acteur de la recherche scientifique sur la sensibilité au gluten

Depuis plus de 8 500 ans, la présence des céréales comme base du régime alimentaire des humains permet de couvrir plus de 20 % de nos apports en protéines.

Aujourd’hui, il y a 4 fois plus de sujets sensibles au gluten qu’il y a 50 ans : on cherche à savoir pourquoi.

Selon l’INSEE 2017, 3 % des Français ont déjà supprimé le gluten de leur alimentation tandis que les ventes de produits sans gluten explosent (plus 30 à 50 % par an depuis 2009, selon LSA).

Les protéines de blé sont constituées de deux types de protéines : les prolamines et les glutélines (respectivement gliadines et gluténines chez le blé).

La boulangerie industrielle rajoute du gluten pour son aspect « collant » qui retient bien les bulles d’air.

On décompte trois types de pathologies liées à l’ingestion de gluten.

1- la maladie cœliaque, maladie auto-immune se traduit par des lésions de l’intestin grêle provoquant un trouble de l’absorption, ou malabsorption, des nutriments. Son diagnostic est possible par dosage d’anticorps spécifiques de la maladie et par biopsie. Elle touche environ 1 % de la population mondiale ; en France, seulement 10 à 20 % des cas seraient diagnostiqués.

2- l’allergie au blé : elle se manifeste par des troubles cutanés, digestifs ou respiratoires (« asthme du boulanger ») ; un dosage des immunoglobulines E est utilisé pour le diagnostic. Quelques travaux font état d’une prévalence de l’ordre de 0,1 à 0,6 % en Europe.

3- l’hypersensibilité au gluten (ou NCGS pour non-cœliac gluten sensibility). Cette pathologie concernerait un grand nombre de personnes présentant des symptômes variés (douleurs abdominales, brûlures épigastriques, nausées, diarrhées, constipation, maux de tête, fatigue…).

Là : pas de dosage possible. Nous recherchons donc des « marqueurs » tangeibles pour qualifier cette pathologie.

Les chiffres sont ici encore difficiles à établir : selon les études, on parle de 0,5 % à 13 % de personnes se plaignant de cette pathologie.

 

En 2012, des membres du Biocivam 11, une association de producteurs bio de l’Aude, ont conduit une enquête sur cette pathologie ; ils avaient été sollicités en ce sens par des paysans boulangers et pastiers dont les clients déclaraient pouvoir manger les produits vendus par ces professionnels alors même qu’ils présentaient d’habitude des symptômes d’hypersensibilité au gluten.

Ces personnes ont donc été interrogées sur les produits à base de blé qu’elles pouvaient ingérer sans problème ; l’enquête montre qu’il s’agit fréquemment de pâtes et pains au levain confectionnés à partir de semoules ou farines issues de blé de variétés locales, cultivées en agriculture biologique, écrasées sur meules de pierre et transformées sans additif.

À la suite de ces premiers résultats, agriculteurs, meuniers, boulangers, pastiers des filières industrielles, artisanales et paysannes, conseillers, médecins, consommateurs, personnes souffrant de NCGS et plusieurs équipes de recherche, dont la nôtre, ont décidé de s’associer ; nous collaborons tous désormais à un vaste projet de recherche sur plusieurs années, dont l’objectif est d’identifier les éventuels déterminants génétique, agronomique, technologique et sociologique de cette hypersensibilité.

Ben Garratt/Unsplash

La sélection des blés s’est fortement développée au cours du XXe siècle pour satisfaire les exigences des agriculteurs (rendement plus élevé et résistance aux maladies) et celles de la filière agroalimentaire industrielle (meilleure adéquation aux usages de la panification, biscuiterie, amidonnerie et aux évolutions technologiques comme l’augmentation de la vitesse des pétrins, la surgélation ou encore la cuisson-extrusion).

Des études comparant les blés dits « modernes », cultivés depuis les années 1950 – période à laquelle ont été introduits des gènes de nanisme pour raccourcir la paille de blé et éviter ainsi que la plante ne se couche sur le sol – et les blés plus anciens montrent que la « toxicité » serait davantage liée à la variété qu’à une période précise de l’histoire durant laquelle ils ont été sélectionnés.

Mais une importante variabilité génétique entre les variétés actuelles et celles cultivées au début du XXe siècle a été mise en évidence. Les principales différences tiennent à la quantités de fibres, de polyphénols, de flavonoïdes et de caroténoïdes, ainsi qu’au degré d’activité anti-oxydante présent dans le grain de blé.

D’autres différences entre variétés s’observent au niveau de leurs gliadines, un des deux types de protéines composant le gluten. Des résultats préliminaires montrent une diversité importante pour la teneur en 33-mer, un des peptides considéré comme nocif dans la maladie cœliaque, donc, a fortiori, dans l’hypersensibilité.

Cependant, de multiples familles de gliadines peuvent être impliquées dans la manifestation de la maladie cœliaque. Quelques variétés de blé dur présentant une faible « toxicité » ont pu être identifiées, permettant d’envisager un programme de sélection de variétés adaptées aux personnes hypersensibles.

Des chercheurs ont par ailleurs montré que l’allergénicité d’une variété de blé, liée à un type de gliadine, peut varier en fonction de son environnement de culture (comme le niveau de fertilisation ou la température). Nos travaux visent également à comparer l’impact de deux systèmes de culture – bio et conventionnel – sur l’allergénicité d’un grand nombre de variétés.

Peu d’études montrent l’impact de procédés de transformation sur les composantes du produit fini et leur éventuelle toxicité.

Nous proposons donc d’étudier dans notre recherche en cours les procédés industriels, dans leurs différences d’avec les procédés artisanaux ; ces particularités concernent, pour les procédés industriels : l’utilisation de grains non germés, le remplacement des processus lents de fermentation par l’utilisation de levure à effet rapide, l’absence de conditions acides et d’hydratation prolongée, l’addition de gluten pur dans les produits finis, l’utilisation de farines blanches raffinées, des vitesses de pétrissage rapides, une cuisson à haute température.

L’une de nos hypothèses est ainsi que le levain contenant des protéases actives permettrait une fragmentation du gluten pouvant faciliter sa digestion, au niveau du pancréas, par les protéases pancréatiques ; de même, une hydratation importante de la farine semble aussi indispensable à une bonne dénaturation des protéines.

Appel aux hypersensibles

Soulignons enfin qu’il s’agit d’une recherche participative : c’est pour cela que nous lançons avec cet article un appel aux personnes déclarant être hypersensibles au gluten et volontaires pour être impliquées dans nos travaux (pour plus d’informations, merci d’envoyer un courriel à biocivam.animation@orange.fr).


Kristel Moinet (Biocivam) a participé à la rédaction de cet article.

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