Pourquoi certains de nos choix semblent-ils poussés par l’envie d’explorer l’inconnu ? Ce n’est pas de la curiosité, mais un processus lié aux erreurs résultant des mécanismes cérébraux impliqués dans l’évaluation de nos options.
Lorsque nous devons faire un choix entre plusieurs options, nos décisions ne se dirigent pas toujours vers l’option la plus sûre en se fondant sur nos expériences passées. Cette variabilité caractéristique des décisions humaines est le plus souvent décrite comme de la curiosité : nos choix seraient le reflet d’un compromis entre exploiter des options connues et explorer d’autres options aux issues plus incertaines. La curiosité serait même un attribut de l’intelligence humaine, source de créativité et de découvertes inattendues. Cette interprétation repose sur une hypothèse très forte selon laquelle nous évaluons nos options sans jamais faire d’erreur.
Les participants ont joué à un jeu de machine à sous qui consistait à choisir entre deux symboles associés à des récompenses incertaines. Dans cet exemple, le participant doit choisir entre le symbole de gauche qui lui a rapporté de l’argent dans les essais précédents, et le symbole de droite qui n’a pas été essayé récemment et dont le résultat est donc plus incertain. Les théories actuelles décrivent ce genre de choix comme le reflet d’un compromis entre exploiter des options connues (dans cet exemple, choisir le symbole de gauche) et explorer d’autres options plus incertaines (choisir le symbole de droite).
Pour comprendre d’où viennent ces erreurs, les chercheurs ont enregistré l’activité cérébrale d’une partie des participants en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle. Ils ont découvert que l’activité du cortex cingulaire antérieur, une région impliquée dans la prise de décision, fluctuait avec les erreurs d’évaluation des participants. Plus l’activité de cette région était grande au moment de l’évaluation des options, plus les erreurs d’évaluation étaient importantes. Notre cerveau utiliserait ses propres erreurs pour produire des choix vers l’inconnu, sans s’appuyer sur notre curiosité.
Si ces résultats peuvent paraître surprenants, le sont-ils vraiment ? De nombreuses découvertes majeures sont le résultat d’erreurs de raisonnement : la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, qui croit avoir atteint les « indes orientales » – une erreur de navigation de 10 000 km, mais aussi la découverte de la radioactivité par Henri Becquerel, qui pense initialement que les radiations émises par l’uranium sont dues à la réémission de l’énergie solaire, ou encore la découverte du pacemaker par John Hopps en essayant de traiter l’hypothermie à l’aide d’une fréquence radio. L’évolution des espèces repose elle aussi sur des variations aléatoires du génome, autrement dit des erreurs génétiques, dont certaines sont conservées par sélection naturelle. Il n’y aurait donc en fait rien d’étonnant à ce que notre cerveau tire parti de ses erreurs pour sortir des sentiers battus.
Sources
Computational noise in reward-guided learning drives behavioral variability in volatile environments
Charles Findling1, 2, 4, Vasilisa Skvortsova1, 4, Rémi Dromnelle1, 3, Stefano Palminteri1 et Valentin Wyart1