C’est ce qui s’est passé avec les petits commerces en centre-ville, qui se sont retrouvés siphonnés par les grandes surfaces. Au XXIe siècle, ce sont les appli et les livreurs qui sont en train de tuer les restaurateurs, Covid aidant.
Pourquoi aller au restaurant si ce n’est pour partager avec d’autres, et passer un bon moment ? En France, on ne va pas au restaurant pour se nourrir le corps, mais l’âme. Les Américains l’ignorent et proposent des restaurations roboratives… trop d’ailleurs. Ils innovent sur le décorum de carton-pâte et les frous frous des serveurs. Ils cherchent à attirer les estomacs.
Covid, pandémie : une catastrophe pour la restauration commerciale, collective ou rapide. Les convives confinés ne peuvent plus accéder aux ambiances qu’ils offrent. Les plus agiles ont réagi en proposant leurs mets… même s’ils ne sont qu’une partie de l’offre. Néanmoins, ce service a été apprécié par la plupart d’entre nous, dont les généreux solidaires qui ont accepté d’investir dans ces services.
UberEats, Deliveroo… vous les avez sans doute utilisées puisqu’elles crient haut avoir doublé le nombre de commandes depuis le début de l’année ( !) parfois avec un soupçon de culpabilité : les rumeurs sur les mauvaises conditions de travail des livreurs sont aujourd’hui généralisées. Ce qu’il faut considérer surtout, ce sont les pertes de profit qu’elles causent aux restaurateurs.
En effet, les appli de livraison prennent 30 % sur le prix de cession… soit la marge du restaurateur qui lui, ne fait l’économie que du service et de la vaisselle à laver, mais doit investir dans toutes les solutions d’emballages et n’a plus de ventes de liquides (eau, vins, boissons, café). Pertes sèches.
Vous, client, payez le même prix qu’à la carte sans avoir l’ambiance, le décor, tous les à-côtés du service (nappe, jolie vaisselle, fleurs, eau, pains, condiments…), ni les relations humaines avec l’équipe du restaurant, ni les éventuels échanges avec d’autres convives.
Les livreurs eux-aussi, sont perdants : mal payés et socialement pas protégés, ils prennent des risques énormes pour leur intégrité physique car pour gagner assez, ils doivent aller très vite, éventuellement brûler des feux ou des stops.
Plus étrange, Deliveroo et UberEats par exemple, ne sont toujours pas bénéficiaires ! ça sent la licorne qui va partir en vrille si les investisseurs ne portent pas secours. Qui le ferait ? Qui fera confiance aux entreprises qui, sans doute, vont se faire rattraper par les états pour manquements aux payements des charges sociales et patronales ?
C’est décidé : ce soir, je vais au restaurant.
Merci à Corey Mintz, journaliste spécialiste de la restauration et auteur de The Next Supper : The End of Restaurants as We Know Them and What Comes After (PublicAffairs), novembre 2021
One comment on “La mort d’une filière est toujours provoquée par la distribution”
La livraison, le nouveau sous prolétariat.
Livraison de personnes ou de biens…