«La nutrition n’est pas seulement une question de bien-être individuel ou le seul problème des pays en développement», défend Thani Mohamed-Soilihi. LUDOVIC MARIN / AFP
FIGAROVOX/TRIBUNE – À l’occasion de la Journée mondiale du diabète, célébrée ce 14 novembre, Thani Mohamed-Soilihi, secrétaire d’État chargé des Partenariats internationaux, plaide pour mettre la nutrition au cœur de l’agenda du développement durable.
Thani Mohamed-Soilihi est secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargé de la Francophonie et des Partenariats internationaux.
Quel est le lien entre diabète, obésité, anémie, retards de croissance et émaciation aiguë ? Ces pathologies sont liées par un fléau commun : la malnutrition. La Journée mondiale du diabète, célébrée le 14 novembre, intervient en France pendant la Semaine nationale de la dénutrition.
Contre toute logique, la nutrition est souvent reléguée aux marges des politiques de développement. Pourtant, la malnutrition est un défi universel partagé par toutes les nations, avec des conséquences de grande ampleur. Aujourd’hui, 145 millions d’enfants souffrent de retard de croissance, 45 millions d’émaciation et 37 millions de surpoids. Famine, carences en micronutriments, aliments ultra-transformés, excessivement sucrés : l’humanité tout entière mange mal avec des conséquences irréversibles sur le développement cognitif et physique de ses enfants, les empêchant d’atteindre leur plein potentiel et, par conséquent, ayant un impact sur le développement socio-économique de sociétés entières sur plusieurs générations.
La malnutrition n’est pas seulement un problème grave dans les pays en développement : dans de nombreux pays riches, une part importante de la population est en surpoids ou obèse, exposée à de dangereuses conséquences cardiovasculaires. De nombreuses personnes âgées sont confrontées à la dénutrition et nécessitent des soins coûteux voire un placement en maison de retraite, alors qu’elles pourraient jouir d’une vie plus heureuse en s’alimentant mieux. Tous les pays sont confrontés à des problèmes similaires, qui occasionnent des dépenses publiques élevées pour en compenser les effets alors qu’une meilleure alimentation permettrait non seulement de faire des économies mais surtout d’améliorer la résilience des populations, tout en augmentant leur potentiel de développement.
Investir dans la nutrition, c’est plaider en faveur d’une transition vers des systèmes alimentaires plus durables, équitables et résilients, qui valorisent à la fois les producteurs locaux et la biodiversité. Cela signifie également renforcer les systèmes de santé et de protection sociale, en incluant des pratiques de santé qui favorisent la nutrition, et réduire le coût des soins de santé liés à une alimentation déséquilibrée. La nutrition peut également contribuer à la lutte contre les inégalités entre les sexes, en répondant aux besoins spécifiques des femmes et des filles, dont une sur trois dans le monde souffre d’anémie.
Thani Mohamed-Soilihi
Nous avons peut-être entre nos mains une baguette magique pour atteindre les objectifs définis par la communauté internationale. Selon la Banque mondiale, chaque euro investi dans la nutrition génère ainsi 23 euros de richesses, un retour sur investissement sans égal parmi les autres politiques de développement. À l’inverse, le coût mondial de l’inaction est estimé à 761 milliards de dollars par an en raison des retards cognitifs, des coûts sanitaires et de la mortalité, avec 1,3 million de décès d’enfants et 304 millions de points de quotient intellectuel perdus. 4,2 millions de personnes sont emportées chaque année par le diabète et les maladies cardiovasculaires sont en pleine explosion. En luttant contre la malnutrition, nous pouvons briser le cycle de la pauvreté et de la mauvaise santé. La nutrition a donc le potentiel de façonner les sociétés bien au-delà de la sécurité alimentaire, en favorisant une croissance socio-économique durable. Elle nous dispense de dépenses qui pourraient être évitées tout en produisant de la richesse qui eût pu être redistribuée ou investie dans le bien-être des populations. La nutrition, transversale, associant plusieurs modes et domaines d’intervention, est un outil sans égal.
La France s’est engagée à faire de la nutrition une priorité mondiale, et j’en prends toute ma part. Les 27 et 28 mars 2025, le sommet «Nutrition for Growth», aussi appelé «N4G», réunira à Paris gouvernements, organisations internationales, philantropies, secteur privé, organisations de la société civile et universités. Les ressources financières se font rares depuis la crise alimentaire et financière induite par la crise du Covid et l’agression russe contre l’Ukraine. Cette fois, les engagements des banques de développement en faveur de cette politique profitable seront une des clés du succès. Le prochain sommet de Paris sera également une nouvelle occasion de mobiliser la communauté internationale pour mettre la nutrition au cœur de l’agenda du développement durable.
LIRE : le rapport N4G 2025 : les engagements pour une justice nutritionnelle saine