France Stratégie a publié en avril 2024 une note faisant un diagnostic de la ressource en eau en France. Le volume d’eau renouvelable (l’eau douce entrant naturellement sur un territoire) aurait diminué de 14 % depuis quinze ans. En parallèle, entre 2010 et 2020, les surfaces irrigables ont augmenté de 23 %, notamment dans le nord (ex. +78 % dans le bassin Artois-Picardie). En 2020, l’agriculture représentait 11 % des prélèvements mais près des deux tiers des consommations d’eau, tandis que l’énergie représente, par exemple, 47 % des prélèvements mais seulement 14 % des consommations, l’eau étant plus fortement restituée aux milieux naturels.
Piloté par Inrae et l’OiEau, le projet Explore2 a réuni plus de 40 scientifiques, sur trois ans, pour projeter les évolutions futures de la ressource en eau et les aléas hydro-climatiques à l’horizon 2100, en fonction de plusieurs scénarios climatiques du GIEC. D’après ses conclusions, la pluviométrie augmenterait en hiver et baisserait fortement en été, tandis que trois fois plus de sols seraient touchés par la sécheresse, en France. Selon un article paru dans Nature Sustainability, fondé sur la modélisation de 900 scénarios globaux, un « pic des prélèvements d’eaux souterraines » serait atteint vers 2050. Les auteurs alertent sur les conséquences pour le commerce agricole mondial, plusieurs puissances agricoles étant exposées à la raréfaction de l’eau (États-Unis, Inde, Chine, etc.).
Cette raréfaction engendre aussi des conflits d’usage. France Culture explore cette question dans un podcast sur « la guerre de l’eau », qui s’intéresse à la politisation de ce sujet et aux modes d’action des militants. Des voies d’adaptation de l’agriculture sont abordées, comme l’intelligence artificielle ou le pilotage de l’irrigation par des stations météorologiques connectées.
Un article paru dans Nature Communications en avril traite d’un aspect moins étudié de l’irrigation : son empreinte carbone. D’après les chercheurs, l’irrigation représenterait 15 % des émissions de gaz à effet de serre des activités agricoles, à l’échelle mondiale, en raison de l’énergie fossile consommée pour le pompage de l’eau souterraine. L’expansion de l’irrigation pourrait ainsi augmenter la consommation d’énergie de l’agriculture de 28 % d’ici 2050.
Pour répondre à la pression croissante sur la ressource, en particulier due au changement climatique, Futuribles explore, dans une analyse prospective, la question de la gouvernance de l’eau. Trois scénarios sont imaginés à l’horizon 2050, ainsi que leurs impacts sur le système alimentaire : un accès à l’eau contraint et privatisé ; une sobriété et une planification des usages ; un scénario d’hydrologie régénérative où l’eau est un bien commun.
Enfin, des chercheurs appellent, dans la revue Nature, à créer une « COP de l’eau » pour une nouvelle gouvernance de la ressource, à l’image de celle qui existe déjà sur le climat.
Marie Martinez, Centre d’études et de prospective