Selon la FAO (l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), nous gâchons à peu près le tiers de la récolte mondiale de nourriture soit 1,3 milliards de tonnes de nourriture chaque année. Est-ce raisonnable alors qu’il reste encore 870 millions de personnes qui ont faim ?
Mais d’où vient le gaspillage ?
Il ne faut pas confondre le gaspillage du Sud avec celui du Nord. Au Sud, on perd essentiellement à la récolte, faute d’équipements de stockage et de transport adéquats : pas de silos pour stocker son grain (et a fortiori de tanks à lait réfrigérés pour stocker son lait), on est obligé de devenir partageux : une partie pour les rats, une partie pour les maladies, une partie pour le vent, une partie pour les oiseaux, une partie pour les voleurs, etc. A la fin, il en reste peu puisqu’un tiers a été.
Le Nord, quant à lui, gâche façon riche – en prenant soin de rajouter du pétrole, du salaire, des charges sociales, du loyer, de l’emballage, du transport, etc. à nos matières premières avant de les jeter.
Le gaspillage se répartit en 3 parties égales :
30 % de la production de céréales, 45 % des fruits et légumes et 35 % des poissons sont perdus pour la consommation. © FAO
Le gaspillage à la production et pendant le transport s’établit à 30 % : carotte tordue, pomme trop grosse, banane tâchée, … Le consommateur en étant exigeants, amplifie ce phénomène et encourage le producteur à utiliser des produits chimiques pour avoir une production qui colle avec les désirs des consommateurs. Le poisson connaît le même sort : de vastes filets raclent les fonds marins et remontent beaucoup de produits non-consommables : poissons trop petits ou trop gros, poissons interdits de pêche, poissons impropres à la consommation, etc. La plupart ne survivront pas au traitement. Bilan 80 kg de perte par personne et par an !
Le 2e tiers est gâché au niveau industriel : tous les écarts de tri passent à la trappe : pain de mie pas carré, pizzas tordues, pots mal remplis, … Pareil, au niveau du supermarché : imaginons un supermarché qui fait rentrer une grosse quantité de brochettes à la veille d’un week-end du mois de juillet où il se met à pleuvoir ; le lundi, il est bien obligé de jeter les brochettes qui n’ont pas fini en barbecue. Le supermarché jette également des quantités de produits en date dépassée, bien qu’ils aient d’abord essayé de les solder en date courte.
Tout cela représente encore 80 kg par personne et par an !
Le dernier tiers se scinde en deux : on jette ainsi de façon totalement déraisonnable dans les hôpitaux, les restaurants d’entreprise, les cantines scolaires, les restaurants, etc. Les assiettes servies ne sont pas en rapport avec ceux qui les consomment. Aux petits individus (enfants), devraient correspondre de petites portions. Mais il n’en est rien. Les assiettes reviennent à moitié consommées, ne laissant pas de 2e chance à cette nourriture d’être consommée. Le doggy bag n’est pas encore très à la mode en France.
Le reste revient directement au consommateur : 40 kg de nourriture sont jetées à domicile, cela représente 500 € par personne et par an. Du yaourt à la date dépassée, à la barquette de viande enfouie dans notre frigidaire, la poire qui pourrit ou le reste qu’on ne sait pas valoriser et qui passe donc directement à la poubelle.
Notez que le compost n’est une valorisation que par défaut : le fruit pourri va au compost oui, mais il aurait dû être consommé avant.
Alors, on peut dire qu’en France, il y a de belles marges de progression possibles. Même si il y a bien pire ailleurs, il convient de ne pas se dédouaner et de faire tout ce qui est possible pour diminuer de moitié le gâchis domestique d’ici 2025.
Source : Bruno Parmentier, Ingénieur, économiste, auteur conférencier et consultant, spécialisé dans les questions agricoles et alimentaires – https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/terre-edito-bruno-parmentier-ampleur-gachis-alimentaire-monde-94199/